Je suis né en 1959 à Casablanca dans une famille dont je suis le quatrième des cinq enfants. Ce n'était pas un milieu particulièrement artistique mais je me souviens d'avoir toujours eu un désir de représenter, de dessiner et plus tard de peindre. Je dessinais sur les murs, sur mes cahiers et sur de larges feuilles de papier Kraft. Ma première rencontre avec la peinture fût à travers les magazines et les revues. Plus tard, j'ai découvert les galeries de Casablanca où j'ai fait connaissance avec la peinture qui se faisait au Maroc à l'époque.
Après mon bac je suis allé en France pour faire des études de biologie. Un an plus tard, je me suis inscrit en sociologie : j'ai fait un DEA et le début d'une thèse sur l'art comtemporain au Maroc. Pendant ce temps je continuais à peindre et à fréquenter des galeries, des musées et quelques jeunes artistes.
A 27 ans j'ai décidé de me consacrer entièrement à la peinture.
Dans les années 90 j'ai commencé une série de peintures en terre. Je mélangeais la terre, avec de la colle et je l'étalais sur la surface de la toile. Une fois sèche elle devenait dure comme un mur et j'intervenais dessus avec des objets pointus. C'était un travail plein de rage et très physique. De cette période est né mon désir de travailler avec et sur le végétal. A force de malaxer et de travailler la terre j'avais envie de voir surgir une pousse verte.
Pendant deux ou trois ans j'ai fait des tentatives de faire pousser des plantes dans ces surfaces en terre. Puis s'est posé le problème de l'horizontalité de la plante et de la verticalité de la toile, me conduisant à penser volumes et donc sculpture.
A cette période j'ai commencé aussi à m'intéresser à des statuettes africaines du Bas Congo, les N'Konde. Ces statuettes de forme animale ou humaine sont garnies de lames de métal ou de clous. Pour les créateurs des N'Konde, le monde est une continuité dans laquelle la vie est juste une partie d'un Tout. Les statuettes sont le pont entre le monde des vivants et celui des ancêtres, entre le réel et le symbolique.
En mettant en présence plantes et clous dans mes sculptures je voulais mettre côte à côte croissance et détérioration, photosynthèse et oxydation, vie et mort. Cette mise en présence est prolongée par la forme des sculptures, des formes organiques.
Parallèlement j'ai continué mon travail de peinture, avec des approches différentes mais toujours autour du végétal. Je me suis intéressé aux paysages, aux arbres, aux fleurs, à l'arabesque… Il n'y a jamais eu de rupture entre ces périodes, chacune était la suite fluide de l'autre avec parfois des aller retour et des interpénétrations.
Aux grandes surfaces en aplat ocre, décrites plus haut, s'ajoutaient quelques feuilles et l'ensemble suggérait des paysages. Suite à un travail sur la lumière et l'absence de lumière, les aplats ocre sont devenus gris ou noir et le paysage est devenu sous-bois. En m'approchant du sous-bois j'ai découvert le monde des fleurs. En stylisant les fleurs j'ai redécouvert l'arabesque.
J'ai eu par la suite le désir d'explorer le paysage comme un lieu de naissance, de germination, de gestation et de rendre visible la tension nécessaire à l'émergence d'une forme.
Une naissance qui oscille entre un espace cellulaire, microscopique, imaginé, et un espace végétal avec feuillages, branches et graines. Les graines comme prémices des plantes futures, comme formes flottantes qui restructurent l'espace en introduisant une dimension aérienne.
Source : www.yamou.com