Il y a longtemps de cela, probablement à l'aube du XIIIème siècle, et quelque part dans l'ombre d'un jardin entre Murcie et Damas, un savant de l'ancienne Andalousie, Ibn'Arabi, s'attachant à l'esprit de ces voyages que l'on fait, peut être sans bouger, mais dans la lente et pénible approche d'une Vérité qui ne cesse de se dérober, écrivit ceci : "Ces voyages sont des ponts et des passerelles édifiées pour que nous passions dessus vers nos essences et nos propres états" . Bien entendu, Claude Meurisset n'es pas de ce nomadisme là, et iln'est pas l'homme d'un seul Livre, parce qu'il est celui de tous les livres. Et son ombre favorite, il la trouve plus sûrement qu'en oasis, dans sa vallée francilienne, et plus rarement au hasard d'un olivier languedocien. Peu importe, il connaît, il fréquente, lui aussi, et depuis toujours les déserts.
Et bien entendu, il croit à la vertu des ponts, des passerelles et à la nécessité de leurs édifications. S'il a eu moins de sable sous les pieds que de macadam, il aura connu autant de vent dans la tête que de douleurs dans le corps. C'est à ce prix seulement que l'on peut savoir que tout est utile à la création, et que rien jamais ne peut s'en retrancher absolument.
En ce sens, Claude Meuriset est un pascalien émérite, qui fait d'une proposition, de l'auteur des Pensées (Probabilité. Chacun peut mettre, nul ne peut ôter) une règle de vie et, dans le même temps, une règle de l'Atelier. Au risque du paradoxe.
Car, en effet, comment peut-on avoir tant appétit au monde et en accepter bonheurs et blessures, tout en se donnant, comme règle et principe de travail, de rien mettre sur la toile, ou le papier, qui prenne le risque du trop, par effets de pigments, de gestes, par empase ou inadvertance. Les voyages, on ne le sait pas assez, peuvent trahir les déserts qu'ils traversent.
"Khatag", la série la plus récente des travaux de Meurisset, et toute entière construite sur une telle vigilence. Elle dit la souffrance d'un peuple que l'artiste s'est choisi comme fraternel, pour ne pas se déjuger d'être homme. Neige ou sable, l'essentiel est que l'essence de l'Autre accepte et valide mon propre état.,Homme simplement, homme et peintre.
Daniel Begard
Claude Meurisset
9 Cour des Lilas
91470 LES MOLIERES
Mail : claude.meurisset@neuf.fr